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Gagner plus pendant le congé maternité : les raisons expliquées

1 500 euros. C’est la perte de revenu mensuelle moyenne d’une travailleuse indépendante pendant son congé maternité, selon une étude de l’Insee. Ce chiffre brut, trop souvent passé sous silence, dit tout : derrière la façade égalitaire du droit, l’écart entre la théorie et la réalité demeure béant.

Les règles d’indemnisation du congé maternité diffèrent selon le statut professionnel. Une travailleuse indépendante ne bénéficie pas automatiquement du même montant ni des mêmes durées que les salariées. Des disparités subsistent, parfois aggravées par la méconnaissance des dispositifs existants ou des démarches à accomplir.

Certaines aides peuvent s’ajouter ou se cumuler, à condition de remplir des critères précis. Les conséquences d’une interruption d’activité pour maternité sur les revenus et la carrière restent souvent sous-estimées, exposant à des risques d’inégalités persistantes.

Comprendre les droits des travailleuses indépendantes face au congé maternité

Pour les travailleuses indépendantes, le congé maternité ne se résume pas à cocher une case sur un formulaire. Il faut d’abord composer avec un cadre légal précis, fruit de la loi et de la directive européenne 92/85/CE, qui s’applique aux professions libérales, artisanes ou commerçantes. Ici, le Code du travail ne suffit pas : accéder aux indemnités journalières suppose de remplir plusieurs conditions, bien différentes de celles des salariées.

Pour ouvrir droit aux indemnités, la future mère doit afficher au moins dix mois d’affiliation à la Sécurité sociale avant la date prévue pour l’accouchement. Ce n’est pas tout : il faut aussi avoir versé un minimum de cotisations ou prouver un certain volume d’activité récente. Puis, l’arrêt total de l’activité s’impose pendant toute la période indemnisée. Cette règle, souvent méconnue, fait l’objet de contrôles de la CPAM, de la MSA ou de la Caf. Pour celles dont l’entreprise ne peut tourner sans elles, le dilemme est bien réel.

Durées, formalités et spécificités

Voici les principales durées applicables et les cas particuliers à connaître :

  • Le congé maternité se compose d’un arrêt avant et après la naissance : seize semaines pour un premier ou deuxième enfant, vingt-six à partir du troisième, trente-quatre en cas de jumeaux, quarante-six si la famille s’agrandit brusquement avec des triplés ou plus.
  • En cas de maladie liée à la grossesse, de prématurité ou d’hospitalisation du bébé, la durée peut être prolongée, sous réserve de justificatifs.

La déclaration de grossesse doit être réalisée dans les quatorze premières semaines, avec certificat médical à l’appui. Le congé maternité suspend le contrat de travail sans le rompre et chaque semaine d’arrêt compte pour la retraite. La Cour de Cassation et le défenseur des droits tiennent la ligne : aucun employeur ne peut s’opposer à ce droit. Pourtant, nombre d’indépendantes ignorent qu’elles peuvent adapter la durée de leur congé si elles exercent une activité particulièrement pénible ou travaillent de nuit. Le dispositif le prévoit, encore faut-il le réclamer.

Quelles aides financières et allocations sont accessibles pendant et après la maternité ?

Prendre son congé maternité, ce n’est pas juste mettre son activité sur pause : tout un arsenal d’aides encadre cette période pour permettre aux femmes enceintes de préserver un niveau de vie, même en l’absence de revenus réguliers. L’indemnité journalière de la Sécurité sociale (via la CPAM, la MSA ou la Caf) constitue la principale ressource. Son montant dépend du salaire brut des trois derniers mois, plafonné à 95,22 € par jour en 2023. Les primes ou bonus entrent en compte uniquement si la convention collective les assimile au salaire de base.

Dans les faits, l’employeur transmet l’attestation de salaire à la Sécurité sociale, qui se charge du calcul. Les indemnités journalières sont soumises à la CSG, à la CRDS et à l’impôt sur le revenu, exactement comme un salaire classique. Quant aux indépendantes, impossible de maintenir la moindre activité professionnelle pendant la période indemnisée : toute entorse expose à la suppression des droits.

Après la naissance, deux options principales : reprendre le travail ou opter pour un congé parental d’éducation. Ce second choix permet de rester auprès de l’enfant, tout en percevant une allocation de base (sous condition de ressources). Celles qui touchaient l’allocation chômage voient leur indemnisation suspendue le temps du congé, puis reprendre normalement au retour. La directive européenne 92/85/CE et la jurisprudence de la Cour de Cassation sont claires : toute discrimination liée à la maternité dans l’accès à ces droits est proscrite, et les recours existent en cas d’abus.

Billets d euros et tétine sur documents financiers pour la maternité

Inégalités, discriminations : comment la maternité impacte la carrière des indépendantes

Pour les salariées, le congé maternité s’accompagne d’une protection établie : maintien du poste, interdiction de licenciement, poursuite des droits à la retraite. Les travailleuses indépendantes, elles, avancent sur un fil. L’arrêt total d’activité, obligatoire pour toucher les indemnités journalières, entraîne une perte de chiffre d’affaires et fait courir le risque de voir la clientèle s’éloigner. Aucun filet de sécurité ne garantit que les contrats ou les projets suspendus seront retrouvés à la reprise.

Le traitement équitable reste un horizon lointain. Si les salariées bénéficient d’un encadrement strict pour les primes et les variables de rémunération, les indépendantes n’ont, pour l’heure, aucun dispositif compensatoire pour le manque à gagner. Pendant la maternité, la perte de chiffre d’affaires est rarement prise en compte, et le retour sur le marché peut s’avérer ardu. Le défenseur des droits rappelle régulièrement la nécessité d’une vigilance accrue, car la maternité demeure un motif de discrimination indirecte lors de la reprise d’activité : baisse de revenus, perte de contrats, difficulté à retrouver sa place dans un secteur concurrentiel.

Au final, le parcours d’une entrepreneuse enceinte révèle une inégalité persistante dans la continuité de carrière et la sécurité économique. Faute de dispositifs adaptés, la maternité reste, pour beaucoup, un facteur de fragilité. Sur le terrain, cette réalité n’a rien d’anecdotique : elle pèse sur la trajectoire professionnelle bien plus longtemps que la durée du congé, et interroge, à chaque naissance, la promesse d’égalité.