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Génération des nés en 1990 : identification et caractéristiques

1990, c’est l’année où le mur tombe à Berlin, où la première page web s’écrit dans l’ombre, où la France compte encore moins de 1 % d’internautes. Rien ne relie, en apparence, ceux nés cette année-là à leurs aînés ou à leurs cadets. Pourtant, leur identité générationnelle intrigue, interpelle, échappe aux cases toutes faites. Entre deux mondes, ces trentenaires avancent, en funambules, sur le fil tendu entre analogique et numérique.

En France, l’INSEE propose ses propres bornes pour classer les générations, mais chaque institution semble jouer sa partition. D’un côté, certains chercheurs les rangent sans hésiter parmi la génération Y. De l’autre, quelques voix les rapprochent plutôt de la génération Z, invoquant l’influence précoce d’Internet et des technologies sur leur adolescence. L’arbitraire de ces découpages brouille les repères, mais une chose se confirme : les natifs de 1990 grandissent à l’heure où tout bascule. Les téléphones portables s’immiscent dans les foyers, la toile tisse ses premiers liens sociaux, et les réseaux émergent timidement. Résultat ? Cette cohorte développe ses propres codes, ses manières de consommer, son rapport singulier au monde, modelé par la vitesse des mutations numériques.

À quoi correspondent les générations X, Y, Z et Alpha ?

Les générations ne se laissent pas enfermer dans des définitions figées. Démographes, sociologues et économistes débattent sans relâche de leurs frontières. Mais chaque génération porte l’empreinte d’un contexte, d’un imaginaire, d’un rapport au temps qui lui est propre, forgé par l’histoire et les révolutions technologiques successives.

Voici les grandes lignes qui distinguent ces générations :

  • Baby boomers : entre 1946 et 1964, ils voient naître un véritable boom démographique. Après la guerre, la natalité explose, marquant l’avènement d’une société où le plein emploi, la croissance et la consommation deviennent des horizons partagés.
  • Génération X : nés de 1965 à 1980, ils héritent d’une période de faible taux de natalité. Instabilité économique, montée de l’individualisme, difficultés à s’insérer professionnellement : leur parcours s’éloigne de la trajectoire linéaire de leurs aînés. Leur vision du travail et de la famille se transforme.
  • Génération Y : aussi appelés « millennials », ils regroupent ceux nés de 1981 à 1996, selon Strauss et Howe. C’est l’ère du numérique qui s’installe progressivement. Internet bouleverse leurs habitudes, les réseaux sociaux et la mobilité deviennent des repères, la flexibilité s’impose comme une nouvelle norme.
  • Génération Z : ceux qui voient le jour entre 1997 et 2010. Les smartphones sont déjà là, les réseaux sociaux omniprésents. Leur quotidien est marqué par l’instantanéité, la connexion permanente, mais aussi par une conscience aiguë des enjeux écologiques et sociaux.
  • Génération Alpha : selon Mark McCrindle, ce terme désigne les enfants nés à partir de 2010. Pour eux, l’intelligence artificielle, les objets connectés et un univers entièrement digitalisé font partie du décor dès l’enfance.

Ce défilé de générations raconte l’histoire d’une population en transformation constante, entre transitions démographiques, ruptures technologiques et recompositions sociales. En France, on observe désormais l’arrivée des tout premiers Alpha, tandis que les discussions sur la « génération Beta » pointent déjà à l’horizon.

Nés en 1990 : entre héritage générationnel et identité propre

À 34 ans, les natifs de 1990 occupent une place particulière : ni tout à fait génération Y, ni déjà génération Z. Leur enfance se déroule sans smartphones, leurs études s’achèvent lorsque Facebook prend son envol. Ils découvrent Internet progressivement, voient le mobile s’imposer, puis assistent à la naissance des réseaux sociaux. Ils ont grandi hors ligne mais sont devenus adultes dans un univers connecté, là où tout s’accélère.

Leur rapport au travail révèle une nette inflexion. Pour ces trentenaires, la stabilité professionnelle n’est plus une évidence absolue. Ils recherchent la mobilité, l’autonomie, un équilibre entre vie professionnelle et personnelle qui n’allait pas de soi pour leurs aînés. Le CDI ne fait plus figure de Graal : ils privilégient le sens, la flexibilité, parfois même l’entrepreneuriat, quitte à s’éloigner des parcours traditionnels.

Leur identité numérique n’est pas innée, mais construite au fil des années. MSN Messenger, Skyblog, puis Facebook : ils ont appris à naviguer dans ces nouveaux espaces, mais n’ont pas grandi avec l’instantanéité de Snapchat ou TikTok. Ce sont des digital natives par adaptation : ils font le lien entre une époque où l’on attendait et celle où tout arrive en temps réel.

Le Pew Research Center observe chez cette cohorte une forme de distance par rapport aux institutions et un scepticisme croissant vis-à-vis des promesses d’ascension sociale. Ils valorisent la diversité, l’inclusion, mais interrogent aussi les normes transmises par les générations précédentes. Les sociologues leur attribuent une forte capacité d’adaptation, mais aussi une précarité persistante, accentuée par un marché du travail devenu plus incertain.

Objets iconiques des années 90 sur fond lumineux

Ce que les différences générationnelles disent de notre société aujourd’hui

Les générations se côtoient, s’opposent parfois, et cette diversité façonne la société française telle qu’elle se présente aujourd’hui. Qu’il s’agisse de la vision de la croissance, du rapport à l’environnement ou des attentes sur le marché du travail, l’année de naissance reste un marqueur puissant. Les baby boomers ont grandi dans l’optimisme de la reconstruction, tandis que leurs descendants, eux, sont confrontés à la raréfaction des ressources, à la pollution, à l’incertitude quant à l’avenir.

Les travaux en sciences sociales remarquent une montée d’aspirations contrastées : remise en cause des modèles familiaux et professionnels, recherche de sens, quête d’équilibre. Les plus jeunes, génération Z et Alpha, se distinguent par leur aisance avec l’intelligence artificielle et le numérique. Ils bousculent les normes établies, valorisent la diversité et la souplesse, refusent les trajectoires toutes tracées. Cette dynamique crée de nouveaux équilibres, mais aussi des malentendus.

Quelques tendances marquantes éclairent ces évolutions :

  • Le taux de natalité fléchit depuis les années 1970, un phénomène que le démographe Mark McCrindle analyse en profondeur.
  • La fin de l’impérialisme colonial et la contestation de l’idée de progrès ininterrompu, deux traits soulignés par Strauss et Howe.
  • La transformation du rôle des enfants dans la famille : ils passent d’objets de transmission à acteurs sociaux à part entière.

À travers ces écarts, la société française se redessine, oscillant entre tensions et capacité d’absorption. Les chercheurs s’accordent sur une réalité : dans ce monde en perpétuel mouvement, s’adapter devient la règle du jeu. Peut-être les enfants de 1990, ni tout à fait d’hier, ni déjà de demain, sont-ils les mieux placés pour tracer la voie.